Introduction
Le Règlement (UE) n° 2019/1009, également appelé Règlement sur les Produits de Fertilisation (FPR), est entré en vigueur le 16/07/2022. Il a remplacé le Règlement (UE) n° 2003/2003, qui se limitait aux engrais minéraux, pour couvrir une grande variété de produits fertilisants (biostimulants pour plantes, engrais inorganiques et organiques, matériaux de chaulage, amendements du sol, inhibiteurs et supports de croissance). Ce nouveau règlement harmonisé de l’UE était un outil prometteur pour commercialiser des produits fertilisants dans l’ensemble de l’UE.
Le FPR est structuré en 4 parties. La première partie décrit les catégories de matériaux constitutifs (CMC) auxquelles les composants d’un engrais de l’UE doivent appartenir. La deuxième partie énumère les catégories de fonctions du produit (PFC) et les exigences associées auxquelles les engrais de l’UE doivent se conformer. La troisième partie concerne l’évaluation de la conformité des produits fertilisants selon une procédure appropriée appelée « module ». La dernière partie décrit les exigences d’étiquetage que tous les engrais de l’UE doivent respecter avant d’être mis sur le marché de l’UE.
Depuis sa mise en œuvre, le règlement a subi plusieurs modifications, notamment la publication des règlements délégués relatifs à :
- Les exigences applicables aux engrais de l’UE contenant des composés inhibiteurs et au post-traitement du digestat (2022/1519)
- L’ajout de matériaux très purs comme catégorie de matériaux constitutifs pour les engrais de l’UE (2022/1171)
- Les critères d’efficacité agronomique et de sécurité pour l’utilisation des sous-produits dans les engrais de l’UE (2022/973)
- L’ajout de matériaux issus de la pyrolyse et de la gazéification comme catégorie de matériaux constitutifs pour les engrais de l’UE (2021/2088)
- L’ajout de matériaux obtenus par oxydation thermique et leurs dérivés comme catégorie de matériaux constitutifs pour les engrais de l’UE (2021/2087)
- L’ajout de sels de phosphate précipités et de leurs dérivés comme catégorie de matériaux constitutifs pour les engrais de l’UE (2021/2086)
- Modification, à des fins d’adaptation au progrès technique, des annexes I, II, III et IV (2021/1768).
Ainsi, le texte original comportait 12 CMC, tandis que le FPR actuel autorise l’utilisation de 15 CMC dans la composition d’un engrais de l’UE.
Principales difficultés rencontrées : Les opérateurs économiques doivent être conscients des exigences suivantes qui pourraient limiter la commercialisation de leurs produits fertilisants sous le FPR.
1. Sous-produits animaux dans les engrais de l’UE
Concernant la CMC 10 sur les produits dérivés au sens du règlement (CE) n° 1069/2009 (sous-produits animaux, SAP), le FPR devrait être modifié pour inclure un tableau listant les sous-produits animaux ayant atteint le point final dans la chaîne de fabrication tel que déterminé conformément au règlement (CE) n° 1069/2009. Le règlement définit le concept de « point final » au-delà duquel le matériau n’a plus besoin d’être traité pour être considéré comme sûr. Seuls ces sous-produits animaux seront autorisés pour une utilisation dans un engrais de l’UE. Le règlement (CE) n° 1069/2009 a été modifié par le règlement délégué (UE) 2023/1605 en ce qui concerne la détermination des points finaux dans la chaîne de fabrication de certains engrais organiques et amendements du sol. Ce règlement délégué établit les exigences pour atteindre le point final pour plusieurs sous-produits animaux tels que le compost, le fumier traité, la glycérine, les protéines animales traitées, la farine de viande et d’os, les produits sanguins, les protéines hydrolysées, le phosphate dicalcique et tricalcique. Il est encore nécessaire d’attendre la modification du FPR avant d’utiliser ces sous-produits animaux dans les engrais de l’UE. En attendant, il n’est pas autorisé d’incorporer des sous-produits animaux dans un engrais de l’UE. Aucune date n’est actuellement indiquée pour la publication de cette modification.
2. Micro-organismes dans les biostimulants microbiens pour plantes
En ce qui concerne les biostimulants microbiens pour plantes, la liste positive des micro-organismes pouvant être utilisés dans un produit fertilisant de l’UE selon la CMC 7 comprend 4 types de micro-organismes : Azotobacter spp., Rhizobium spp., Azospirillum spp. et les champignons mycorhiziens. Les autres micro-organismes ne sont pas autorisés dans un engrais de l’UE. Une enquête a été menée en 2022 pour recueillir les demandes des parties prenantes pour l’ajout de nouveaux micro-organismes et de nouvelles CMC dans le règlement. À la suite de cela, un appel d’offres a été lancé à l’été 2023 pour trouver une organisation capable de réaliser les études nécessaires pour ajouter de nouveaux micro-organismes au FPR. Les propositions visant à inclure de nouveaux micro-organismes dans le FPR sont actuellement en cours d’évaluation en ce qui concerne l’absence de risque pour la santé humaine et animale et l’environnement, ainsi que la justification de l’efficacité agronomique.
Les informations suivantes sont nécessaires pour satisfaire à ces critères :
- nom du micro-organisme
- classification taxonomique incluant la méthode d’approvisionnement
- production, conservation et utilisation sûres => preuves scientifiques
- relation taxonomique avec les micro-organismes déjà conformes à la Présomption Qualifiée de Sécurité
- processus de production incluant les méthodes de traitement
- identité et niveaux d’intermédiaires résiduels, de toxines et de métabolites dans le matériau constitutif
- occurrence naturelle et destin environnemental.
La modification du FPR pour ajouter de nouveaux micro-organismes n’est pas attendue avant 2025-2026.
3. Règlement (UE) n° 1907/2006 relatif à l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques (REACH)
Les substances incluses dans les CMC suivantes doivent être enregistrées en vertu de REACH :
- CMC 1 : Substances et mélanges de matières premières vierges
- CMC 3 : Compost (Additifs pour le compostage seulement)
- CMC 4 : Digestat de cultures fraîches (Additifs pour la digestion seulement)
- CMC 5 : Digestat autre que le digestat de cultures fraîches (Additifs pour la digestion seulement)
- CMC 6 : Sous-produits de l’industrie alimentaire
- CMC 11 : Sous-produits au sens de la directive 2008/98/CE
- CMC 12 : Sels de phosphate précipités et dérivés (struvite)
- CMC 13 : Matériaux d’oxydation thermique et dérivés (cendres)
- CMC 14 : Matériaux de pyrolyse et de gazéification (biochar)
- CMC 15 : Matériaux de haute pureté récupérés
Le FPR indique que ces substances : « doivent avoir été enregistrées conformément au règlement (CE) n° 1907/2006, avec un dossier contenant :
(a) les informations prévues par les annexes VI, VII et VIII du règlement (CE) n° 1907/2006, et
(b) un rapport sur la sécurité chimique conformément à l’article 14 du règlement (CE) n° 1907/2006 couvrant l’utilisation en tant que produit fertilisant, sauf explicitement couvert par l’une des exemptions d’obligation d’enregistrement prévues par l’annexe IV du règlement (CE) n° 1907/2006 ou par les points 6, 7, 8 ou 9 de l’annexe V dudit règlement. »
Le FPR établit des exigences plus restrictives par rapport au règlement REACH. Les exigences REACH sous le FPR sont appelées « REACH + ». Ces exigences « REACH + » comprennent notamment :
- L’enregistrement REACH devient obligatoire pour toutes les substances, même si elles sont produites ou importées en quantités inférieures à 1 tonne par an (TPA), alors que le règlement REACH exige l’enregistrement pour les substances au-dessus de ce seuil minimum de tonnage.
- Les substances produites ou importées en quantités comprises entre 0 et 10 TPA doivent satisfaire aux mêmes exigences que celles de la bande de tonnage 10-100 TPA, y compris la fourniture d’un rapport sur la sécurité chimique.
- Plusieurs exemptions REACH ne s’appliquent pas aux substances couvertes par le FPR, par exemple les sous-produits et les substances résultant d’une réaction chimique.
- Les substances doivent être enregistrées sous le code produit chimique (PC) 12 : Engrais, et le secteur d’utilisation finale (SU) 1 : Agriculture, sylviculture et pêche.
Le 16 mai 2023, l’EBIC a organisé un atelier intitulé « Innovation & sécurité des Produits de Fertilisation de l’UE : REACH & FPR » pour discuter des difficultés rencontrées par les entreprises pour satisfaire aux exigences « REACH + » spécifiées dans le FPR. L’EBIC a également publié un document de position et proposé plusieurs actions pour réduire la charge de l’enregistrement REACH dans des cas spécifiques. Toutefois, le règlement REACH devait être modifié à la fin de l’année 2023, mais cette mise à jour a été repoussée à fin 2024 ou 2025. Les modifications potentielles du FPR ne seront examinées qu’après la publication de la modification du règlement REACH.
4. Efficacité des biostimulants végétaux
Les biostimulants végétaux doivent démontrer les effets revendiqués sur leur étiquette. Des Spécifications Techniques (TS) ont été publiées en 2022 pour aider les fabricants à évaluer ces effets et à se conformer au Règlement sur les Produits Fertilisants (FPR). Les 5 spécifications techniques sont énumérées ci-dessous :
- EN 17700-1 : Biostimulants végétaux – Revendications – Partie 1 : Principes généraux
- EN 17700-2 : Biostimulants végétaux – Revendications – Partie 2 : Efficacité d’utilisation des nutriments résultant de l’utilisation d’un biostimulant végétal
- EN 17700-3 : Biostimulants végétaux – Revendications – Partie 3 : Tolérance au stress abiotique résultant de l’utilisation d’un biostimulant végétal
- EN 17700-4 : Biostimulants végétaux – Revendications – Partie 3 : Tolérance au stress abiotique résultant de l’utilisation d’un biostimulant végétal
- EN 17700-5 : Biostimulants végétaux – Revendications – Partie 5 : Détermination de la disponibilité des nutriments confinés dans le sol ou la rhizosphère
Les spécifications techniques sont encore en cours d’amélioration. Les versions finales devraient être publiées en avril 2024 sous forme de Normes Européennes Harmonisées. La publication de ces normes harmonisées déclenche une « présomption de conformité ». Les utilisateurs appliquant ces normes peuvent donc supposer qu’ils agissent conformément aux exigences essentielles du FPR.
Il est important d’étudier le mode d’action et les effets des biostimulants végétaux sur les plantes avant de mettre en œuvre des essais d’efficacité. La conception des essais doit être établie conformément aux spécifications techniques, sinon les résultats peuvent ne pas être valides.
Par exemple, si un biostimulant a un effet sur la tolérance au stress hydrique, les essais doivent inclure :
- un témoin positif (dans des conditions de stress, donc sous stress hydrique)
- un témoin négatif (pas de stress, donc dans des conditions d’irrigation normale)
- l’évaluation d’un ou de plusieurs marqueurs agronomiques (tels que la biomasse des plantes ou des racines, la longueur des racines, le nombre de feuilles, le pourcentage de germination, le rendement des cultures, etc.)
Si un témoin négatif ne peut pas être mis en place, il est nécessaire d’évaluer un marqueur de stress avant et après l’événement de stress dans le témoin positif (par exemple, la teneur relative en eau, qui est un marqueur de stress pour les conditions de sécheresse). Ensuite, un ou plusieurs marqueurs agronomiques doivent être évalués.
Pour évaluer un biostimulant végétal améliorant l’efficacité d’utilisation des nutriments, les essais doivent inclure la mesure des nutriments dans la plante entière ou sur une partie spécifique de la plante (racine, feuillage ou produits récoltés) et la biomasse de la même partie (plante entière ou partie spécifique de la plante) ou le rendement de la culture. Ces paramètres sont nécessaires pour calculer plusieurs indices requis par la spécification technique, tels que l’exportation de nutriments (NE) et l’efficacité d’utilisation interne d’un nutriment (IE).
5. Création de nouvelles normes harmonisées
De la même manière que pour les biostimulants végétaux, d’autres types de produits fertilisants tels que les engrais et les amendements du sol nécessitent la création de normes harmonisées pour évaluer leurs caractéristiques conformément au FPR. Cependant, la demande de normalisation a été retardée et les normes harmonisées devraient être publiées seulement en 2027. Il sera également nécessaire de créer des normes harmonisées pour les nouveaux CMC récemment inclus dans le FPR (CMC 12, 13, 14 et 15).
Conclusion
Le FPR est un outil précieux pour commercialiser les produits fertilisants de l’UE dans toute l’UE. Cependant, certaines évolutions sont attendues/nécessaires et les réglementations nationales restent la seule voie possible pour enregistrer et commercialiser certains types de produits fertilisants qui ne sont pas encore couverts par le FPR. Ce chemin d’enregistrement alternatif est complexe car chaque pays a sa propre réglementation sur les produits fertilisants (disponible uniquement dans la langue nationale dans plusieurs pays) avec des exigences spécifiques, la génération de données, la validité de l’autorisation, etc. Cependant, une fois qu’un produit fertilisant est légalement commercialisé dans un pays de l’UE, le Règlement (UE) 2019/515 sur la reconnaissance mutuelle des biens légalement commercialisés dans un autre État membre permet d’accéder au marché de plusieurs pays de l’UE avec une procédure simplifiée.
Pour plus d’informations sur les procédures de commercialisation via le FPR ou dans les différents pays européens, l’équipe réglementaire de Staphyt dédiée à la nutrition des plantes est là pour vous conseiller et vous aider à définir la meilleure stratégie possible. Selon votre produit et vos marchés cibles, nos experts seront en mesure de définir la voie réglementaire la plus appropriée, tout en optimisant les coûts et le temps.
Contactez notre responsable commercial Geoffroy MOULIN pour plus d’informations.
Geoffroy MOULIN
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